Charente-Maritime 

Fromagerie

de Chaillé

à

SAINT-GEORGES-DU-BOIS

historique (1888 - 196..)

Saint-Georges-du-Bois semble le berceau de la création fromagère.

Lors du concours d'Albi qui se déroule du 5 au 15 mai 1859, Mr de Poléon, de Saint-Georges-du-Bois, remporte la médaille d'argent dans la catégorie « Produits Agricoles », pour son fromage façon « gruyère ».

Aussi, l'initiative du mouvement coopératif fromager dans les Charentes appartient à Eugène Biraud, un cultivateur de Chaillé. Il a l'idée d'adapter à la laiterie ce qui existe déjà pour les fruitières jurassiennes. Mais comment les paysans, accueillent-ils cette idée?

En Poitou-Charentes, c'est le malheur qui a changé les viticulteurs en producteurs laitiers. Jusqu'en 1880 en effet, la vigne occupait la majeure partie de ces plaines argilo-calcaires.

Hélas, les cépages français ne devaient pas résister au redoutable phylloxéra. Pas plus que les premiers cépages américains, appelés a la rescousse, ne parvenaient a s'acclimater sur les bords de la Charente. Ce fut la ruine pour nombre de vignerons.

Les migrants, venus de Vendée ou d'Anjou, avaient amené avec eux des animaux et des pratiques culturales telles la fabrication artisanale de beurre.

L'écrémeuse centrifuge, apparue en 1878, facilitait déjà la fabrication du beurre, tiré du lait de deux ou trois vaches, que les fermières écoulaient dans leur entourage.

Un jour, Eugène Biraud, modeste cultivateur des environs de Surgères, entendit quelques agriculteurs voisins parler des « fruitières » qu’ils avaient vues lors de leur internement en Suisse, en 1871. Faisant partie de l'armée du Général Bourbaki, ils avaient ainsi découvert ce système ancestral, datant probablement du XIII° siècle... Mais qu’avaient-ils donc découvert ? La Fruitière, mot dont l’origine est discutée, constitue une sorte de coopérative, « fille de la nécessité ».

En effet, à l'époque, le lait liquide ne se conservait pas ; or, la production était trop faible en hiver pour nourrir les habitants. Par ailleurs, en cas de production abondante, le relief et le climat montagnard rendaient difficile un transport quotidien vers les marchés. La fabrication d'un fromage à longue conservation était donc une solution. Mais les meules de gruyère, lourdes, de grand Format, requéraient plusieurs centaines de litres de lait, d’où la nécessité pour les producteurs de se regrouper.

Eugène Biraud eut une idée géniale : pourquoi ne pas appliquer une formule similaire aux fruitières à Chaillé, Saint-Georges-du-Bois (près de Surgères).

Né le 3 juillet 1825 à Chaillé, cet ancien cultivateur fit preuve de déterminisme et sut convaincre douze producteurs laitiers de la région de Chaillé et des environs immédiats de mettre en commun le lait de leurs vaches. Chaque adhérent versa 25 francs pour contribuer à l'installation de la Laiterie Coopérative de Chaillé, qui ouvrit ses portes le 13 janvier 1888.

Au départ, la coopérative de Chaillé empruntait aux fruitières le système du "tour" ; chaque sociétaire procédait "à son tour" aux opérations d'écrémage du lait, puis au barattage de la crème et au malaxage pour fabriquer le beurre. Chacun remportait chez lui son lait écrémé. Les débuts furent modestes et difficiles : « l’usine » n'était qu'une grange, le matériel était rudimentaire.

Les trois premières mottes de beurre furent chargées sur une brouette, Eugène Biraud et ses amis les roulèrent ainsi jusqu’à la gare de Surgères pour les expédier vers les Halles de Paris, en se cachant derrière les buissons pour échapper aux moqueries de leurs voisins. Les rieurs avaient tort, la coopérative de Chaillé fit très vite des émules.

Les résultats dépassent rapidement les espérances du fondateur et de ceux qui l'ont suivi. Dès février, le litre de lait est payé 12 centimes, puis au bout d'un an de 16 à 20 centimes, alors que les industriels le payent seulement 10 centimes. Les adhérents ne tardent pas à constater que leurs bénéfices sont accrus. Et les adhésions deviennent plus nombreuses. 

A la fin de 1888, la laiterie coopérative de Chaillé compte 162 sociétaires possédant au total 350 vaches. 589600 litres de lait ont donné 31000 kg de beurre et les recettes totales atteignent 92000 francs.

Le personnel de la laiterie

Ce succès si rapide fit impression dans la région. Pendant la seule année 1889, 7 laiteries coopératives s'ouvrent: quatre dans le canton de Surgères (Bois-Hardy - Saint-Mard - Vouhé - Vandré). Souvent des migrants de Vendée ou des Deux-Sèvres se retrouvent à la tête de ces coopératives. Une autre ouvre à Migré et deux autres dans les Deux-Sèvres (Le Bourdet et Beauvoir-sur-Niort). Le mouvement coopératif va s'étendre à la Vendée où le 12 mai 1890 est créée la laiterie de Damvix.

En 1893, cinquante autres laiteries sont nées, et regroupent déjà 18000 sociétaires.

En 1900, douze ans après sa création, 95 coopératives fonctionnent dans la région.

Dès lors il n'y a plus d'arrêt dans le mouvement coopératif... jusqu'en 1913 !

Le succès fait que la coopérative peut remplacer son matériel à bras par du matériel industriel.

Voyant la réussite de leurs voisins, les producteurs de lait de chèvre des Deux-Sèvres ne tardent pas à les imiter. En 1906, une fromagerie coopérative est fondée a Bougon. Aujourd’hui le bassin Charentes-Poitou possède le premier cheptel caprin de France.

Eugène Biraud, aussi conseiller municipal de Surgères, décède le 30 décembre 1906.

En 1920, 15 employés travaillent à la laiterie. Elle déménage ensuite dans les années 30-40 pour s'installer dans l'ancienne distillerie coopérative d'eaux de vie.

En 1929, sur l'initiative de l'association centrale des laiteries et de l'entente paysanne de France, se crée un comité en vue d'élever une statue à la mémoire d'Eugène Biraud. L'inauguration a lieu en septembre 1932. Elle est d'abord érigée sur la place Victor-Hugo (actuelle place de l'Europe) avant d'être transférée, en 1976, à sonn emplacement actuel.

Dans les années 1950, les bâtiments sont agrandis pour l'aménagement d'un quai de réception et la construction d'un magasin.

En 1951, il existe une fabrication de fromages pasteurisés « Pâtes cuites », et l'année suivante une fabrication de fromages Edam « Le meilleur ».

La laiterie cesse de fonctionner dans les années 1960.

Une entreprise y est installée depuis 1976.

Pour honorer la mémoire d'Eugène Biraud, en 1976, le Conseil d'Administration de l'Association Centrale propose ou Conseil Municipal de Ia ville de Surgères de donner son nom à la rue de Marans. Cette rue s'appelle désormais rue Eugène Biraud.

Sources : Gilles Belly Ouest-France 1993, centenaire de la coopération laitière 1993, DRAC - Mise en page Marcel Gousseau et Eric Delpierre

répartition des laiteries coopératives en Poitou-Charentes et Vendée :
années nb de laiteries coopératives nb de sociétaires
1888 1 162
1890 19 4380
1895 65 28636
1900 98 48850
1905 107 61335
1910 127 72770
1913 130 80188

laiteries coopératives en 1923 :

 

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